Sénégal : Norfund, l’État et le secteur des assurances mobilisés pour financer l’industrialisation et sécuriser les grands projets

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Entre investissements étrangers, mobilisation de l’épargne nationale et débats autour de la régularité des marchés publics, le Sénégal vit une séquence cruciale en matière de financement du développement. L’assurance, en particulier à travers les mécanismes de garantie, y joue un rôle central. Retour sur les faits saillants : l’arrivée de Norfund, l’emprunt obligataire de l’État, et l’affaire controversée ASER – AEE Power EPC.

Norfund s’implante au Sénégal : 100 millions de dollars en perspective pour l’économie réelle

Le 17 juin 2025, le ministre de l’Industrie et du Commerce, Dr Serigne Guèye Diop, a officiellement lancé les activités de Norfund, le fonds d’investissement norvégien, au Sénégal. Ce fonds dispose de 4 milliards USD pour soutenir le développement du secteur privé dans 30 pays, dont désormais le Sénégal.

L’initiative est d’autant plus stratégique qu’elle vient répondre à une problématique structurelle : l’accès difficile au crédit pour les PME. Le ministre a ainsi souligné le différentiel de taux d’intérêt entre l’Europe (2 à 3 %) et le Sénégal (10 à 11 %), un écart qui freine le dynamisme entrepreneurial et l’industrialisation.

Norfund propose deux types d’interventions :

  • des prêts de long terme (12 à 15 ans) ;
  • des financements en capital (Equity) permettant de devenir actionnaire de projets à fort potentiel.

Les secteurs ciblés sont variés :

  • énergies renouvelables,
  • agriculture et agro-industrie,
  • gestion des déchets et de l’eau,
  • industrie de transformation,
  • services financiers.

Ellen Rasmussen, représentante du fonds, a insisté sur l’alignement des projets financés avec les objectifs environnementaux et la neutralité carbone. Plus de 100 millions USD pourraient être injectés au Sénégal selon la maturité des projets présentés.

Un emprunt obligataire pour financer les infrastructures : 300 milliards FCFA mobilisés

Le 18 juin, le Trésor public du Sénégal a lancé un emprunt obligataire par appel public à l’épargne (APE) d’un montant de 300 milliards FCFA, ouvert du 19 au 30 juin 2025.

Ce financement est destiné à des projets à fort impact social et économique dans des secteurs comme :

  • l’éducation,
  • la santé,
  • l’énergie,
  • l’accès à l’eau,
  • l’agriculture,
  • le numérique.

Trois maturités sont proposées aux investisseurs :

  • 5 ans à 6,60 %,
  • 7 ans à 6,75 %,
  • 10 ans à 6,95 %.

L’opération vise à mobiliser l’épargne nationale et régionale, tout en renforçant la souveraineté budgétaire. Elle complète une première levée de 405 milliards FCFA opérée en mars 2025.

L’affaire ASER – AEE Power EPC : l’assurance au cœur des débats sur la régularité des marchés publics

Parallèlement à ces bonnes nouvelles, une affaire à rebondissements a éclaté autour du contrat d’électrification rurale confié à l’entreprise espagnole AEE Power EPC, pour un montant de 91,97 milliards FCFA.

Ce contrat, signé le 23 février 2024 avec l’ASER, a nécessité la mobilisation de garanties par la SONAC SA, opérateur public d’assurance :

  • une garantie d’avance de démarrage (20 %),
  • une garantie pour dépenses engagées (20 %),
  • une garantie de bonne exécution (5 %).

Ces trois garanties totalisent un engagement de 37 milliards FCFA, souvent confondu à tort avec la prime d’assurance. En réalité, cette dernière s’élève à 947 millions FCFA, versée dans les 90 jours après émission des garanties, soit dans le délai réglementaire de 180 jours fixé pour les marchés d’État selon le Code des assurances CIMA.

Débats autour des conditions de validité

Le député Thierno Alassane Sall a dénoncé des irrégularités, estimant que les garanties auraient été délivrées sans contrepartie financière. Il s’appuie notamment sur les exigences de l’article 13 du Code CIMA, qui conditionne la validité des garanties au paiement effectif de la prime avant l’entrée en vigueur du contrat.

Face à ces accusations, le ministère des Finances a publié une note explicative rappelant que les primes ont bien été payées dans les temps, et que les garanties respectent les délais et la réglementation. La Cour suprême, après suspension du marché en octobre 2024 par l’ARCOP, a validé en février 2025 la poursuite partielle du projet.

Par ailleurs, le contrat a été renégocié pour intégrer 1 740 villages, avec un taux de contenu local de 50 % et un volet formation des jeunes, renforçant sa portée sociale.

Une gouvernance à surveiller : rôle de la SONAC et transparence des marchés

La SONAC, en tant qu’assureur public, est au cœur du mécanisme de sécurisation des projets d’État. Elle engage sa responsabilité financière pour permettre à des entreprises sélectionnées d’obtenir des avances. Son rôle est donc stratégique, mais aussi exposé.

Les critiques pointent :

  • une possible opacité dans la gestion des garanties,
  • un manque de réactivité dans la communication avec l’ARCOP,
  • des transferts suspects vers des comptes bancaires étrangers sans démarrage de travaux.

Le ministère s’est défendu en expliquant le cadre contractuel et en appelant à une « lecture objective » du dossier. Mais cette affaire rappelle la nécessité d’une surveillance accrue de la conformité entre engagement assurantiel et réalité d’exécution des marchés.

Conclusion : l’assurance, catalyseur et arbitre du développement

Qu’il s’agisse de soutenir les PME via Norfund, de sécuriser des projets d’infrastructures par l’appel à l’épargne ou de garantir des marchés sensibles comme l’électrification rurale, l’assurance publique et privée est au centre de la transformation économique du Sénégal.

La SONAC et les autorités devront toutefois renforcer leur transparence, clarifier leurs mécanismes d’intervention et rassurer les citoyens sur la régularité des engagements contractuels. Le financement du développement ne peut prospérer qu’adossé à la confiance.

221assurances – l’information de l’assurance au Sénégal – 21 juin 2025

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