La fraude à l’assurance est un phénomène en pleine expansion au Sénégal et plus largement en Afrique, mettant à rude épreuve la solidité des compagnies d’assurance et la confiance des assurés. En 2025, ce fléau financier, aux formes variées et souvent sophistiquées, menace la stabilité du secteur assurantiel et impacte directement les ménages africains. Cet article propose d’en décrypter les causes, d’en mesurer les conséquences sur les populations, et d’examiner les mesures gouvernementales mises en œuvre pour y faire face.
Les causes profondes de la fraude à l’assurance
La fraude à l’assurance en Afrique prend des formes diverses, allant des fausses déclarations lors de la souscription à la simulation de sinistres, en passant par des complicités internes au sein des compagnies. Plusieurs facteurs expliquent cette recrudescence.
- Faiblesse des contrôles et digitalisation encore partielle
Malgré des avancées récentes, comme la digitalisation des attestations d’assurance automobile au Sénégal, qui a permis de réduire certaines fraudes ciblées, le secteur reste vulnérable à cause d’une gestion encore largement manuelle et d’un manque de centralisation des données. Cette situation facilite la multiplication des faux documents, des assurances multiples sur un même bien, ou encore la surfacturation frauduleuse. - Complexité et diversité des fraudes
La fraude ne se limite pas à un seul type d’acte. Elle inclut des fausses déclarations intentionnelles lors de la souscription (exagération de la valeur assurée, assurance d’un bien inexistant), des sinistres fictifs ou exagérés, des usurpations d’identité, voire des actes de corruption et de complicité interne. La professionnalisation et l’internationalisation des réseaux de fraudeurs rendent la détection plus difficile et les pertes plus importantes. - Pressions économiques et sociales
Dans un contexte où le taux de pénétration de l’assurance reste faible en Afrique (1,47% au Sénégal contre 7% au niveau mondial), la méconnaissance des produits d’assurance, le manque d’éducation financière et les difficultés économiques encouragent certains assurés à recourir à des pratiques frauduleuses pour compenser des situations précaires. - Fraudes internes et défaillances institutionnelles
Des cas de fraudes internes, comme celle révélée récemment à la Sénégalaise de l’Automobile où un responsable a détourné plus d’un milliard de francs CFA, illustrent les failles dans les contrôles internes des entreprises d’assurance. Ces fraudes internes aggravent la défiance des clients et fragilisent la réputation des compagnies.
Les impacts de la fraude sur les ménages et le secteur assurantiel
La fraude à l’assurance a des conséquences lourdes, tant pour les ménages que pour l’ensemble du secteur.
- Hausse des coûts et des primes pour les assurés
Les pertes financières liées à la fraude, estimées à environ 10 % des sinistres réglés dans certains marchés africains, se traduisent par une augmentation des primes d’assurance. Ce surcoût pénalise directement les assurés honnêtes, qui doivent payer plus cher pour compenser les abus. - Réduction de la confiance et frein à la pénétration de l’assurance
La multiplication des fraudes mine la confiance des clients envers les assureurs. Cette défiance contribue à maintenir un taux de pénétration faible, limitant l’accès des populations aux protections offertes par l’assurance, notamment dans les secteurs clés comme la santé, l’automobile ou l’habitat. - Fragilisation des compagnies d’assurance et du marché
Les fraudes affaiblissent la solidité financière des assureurs, réduisent leur rentabilité et peuvent entraîner des difficultés de paiement des sinistres légitimes. Ce cercle vicieux nuit à la stabilité du marché et dissuade les investissements, essentiels pour le développement du secteur en Afrique. - Conséquences sociales et économiques
Au-delà des chiffres, la fraude à l’assurance a un impact social : elle freine la résilience des ménages face aux aléas, accroît les inégalités d’accès à la protection sociale et peut contribuer à l’instabilité économique en détournant des ressources vitales.
Les mesures gouvernementales et sectorielles pour lutter contre la fraude
Face à cette menace, les autorités sénégalaises et africaines ont renforcé leurs dispositifs de lutte contre la fraude à l’assurance.
- Digitalisation et centralisation des données
Le Sénégal a lancé la digitalisation des attestations d’assurance automobile, une initiative saluée par l’Association des assureurs du Sénégal (AAS). Cette mesure permet une meilleure traçabilité des contrats, une réduction des fraudes documentaires et une accélération du traitement des sinistres3. - Renforcement des contrôles et des enquêtes
Les autorités douanières et judiciaires intensifient les actions contre les fraudes financières, comme en témoigne la saisie récente de faux billets d’une valeur de plus de 6,7 milliards de francs CFA, souvent utilisés dans des arnaques liées à la fraude financière et assurantielle1. Par ailleurs, des enquêtes approfondies sont menées sur les fraudes internes dans les entreprises d’assurance. - Sensibilisation et collaboration sectorielle
Les compagnies d’assurance, en partenariat avec les pouvoirs publics, développent des campagnes de sensibilisation pour informer les assurés des risques et conséquences de la fraude. La coopération régionale est également encouragée pour lutter contre les réseaux transnationaux de fraudeurs. - Cadre réglementaire et normes de solvabilité
L’application de normes internationales, telles que Solvabilité 2, oblige les assureurs à intégrer la gestion du risque de fraude dans leur politique de gestion des risques opérationnels. Cela passe par des procédures rigoureuses dès la souscription, des examens médicaux en assurance vie, et des visites de risque approfondies. - Appui à la réassurance locale
Pour renforcer la résilience du secteur, certains experts appellent à un renforcement des fonds propres des sociétés de réassurance africaines, afin de limiter la fuite des ressources vers des acteurs étrangers et mieux couvrir les risques majeurs du continent.
Conclusion
La fraude à l’assurance au Sénégal et en Afrique en 2025 est un défi majeur qui met en péril la confiance, la rentabilité et la pérennité du secteur assurantiel. Ses causes sont multiples, mêlant failles institutionnelles, pressions économiques et sophistication des fraudeurs. Les conséquences pèsent lourdement sur les ménages, contraints à payer des primes plus élevées et privés d’une protection efficace. Face à cette réalité, les mesures de digitalisation, de renforcement des contrôles, et de coopération régionale sont des réponses essentielles, mais doivent être poursuivies et amplifiées.
Comme le souligne Fatou Diop, experte en assurance et gestion des risques :
« La lutte contre la fraude à l’assurance est un combat de longue haleine qui nécessite une mobilisation collective, alliant innovation technologique, rigueur réglementaire et éducation des assurés. C’est la clé pour bâtir un secteur solide, capable de soutenir le développement économique et social de l’Afrique. »
Ce combat, vital pour le futur du secteur, conditionnera l’accès à une assurance plus juste et plus efficace pour tous les Africains.
221assurances, l’information de l’assurance au Sénégal – 24 mai 2025